Et voici une énième fois depuis le début de la guerre de 2022 que je rédige ces mots. Aujourd’hui, J’aime l’Ukraine fête ses 12 ans, c’est peut-être l’occasion de les finaliser… Les visions et les vies des Ukrainiens ont été tellement bouleversées ces derniers temps qu’il est énormément difficile d’exprimer sur papier toute la tornade de nos sentiments. La peur, la colère, l’injustice, l’amour inconditionnel, le stress, la tristesse, l’impasse, la mort, les larmes, l’impuissance, les viols, les vols, la destruction, des tirs, des sirènes, de l’aide, l’espoir sont omniprésents dans nos quotidiens, tournent dans nos têtes, surgissent la nuit dans nos cauchemars… comment peut-on rester objectif, impartial, serein quand le monde a fait un big bang qui semble voiler les yeux de certains et en tuer d’autres? Comment se faire entendre? Tout paraît tellement évident pour les Ukrainiens, pourquoi ce n’est pas le cas pour les autres?
Je ne vais pas vous parler des horreurs de la guerre, même si je conseille de voir des vidéos de combats et surtout des conséquences du désastre, d’écouter des témoignages des viols, pillages, tortures, de lire les derniers livres de nos talentueux écrivains et poètes, d’écouter de la musique contemporaine. La vie des Ukrainiens exhale la guerre.
La route
J’ai écrit une partie de ce texte une chaude journée d’été, une journée où tout semble parfait, où le monde semble être en paix, car il est impossible de l’imaginer autrement dans cette atmosphère langoureuse où tout s’arrête, se met en pause, s’immobilise dans l’air épais et impénétrable. Un minibus m’emmenait depuis Budapest en Ukraine, à Khoust, ma ville chérie natale. Dix jours avant, lors de ma course à pied, partir en Ukraine m’avait paru évident. La route ukrainienne, et particulièrement la route vers la Transcarpatie, m’a toujours inspirée, me donne des ailes, tout paraît possible et si simple! La mémoire olfactive me plonge directement dans les parfums qu’émanent ces nuances de vert que j’admire depuis mon enfance, elle éveille des odeurs presque oubliées qu’aucune photo ni vidéo ne peuvent pas remplacer. Dans le recueil de nouvelles et de poésies que j’ai lu récemment, les auteurs ukrainiens décrivent leurs souvenirs personnels d’Ukraine. Dans beaucoup de nouvelles, les parfums surgissent en tant qu’initiateurs olfactifs de la mémoire, l’Ukraine est une nation de mémoire et elle garde de souvenirs précieux et invendables dans des bulles de savon aussi nombreuses que les étoiles.
Les femmes
Lors de ce dernier voyage, les chauffeurs de minibus, aux odeurs agréables du propre, étaient des femmes: à l’aller, Tetyana qui travaille en Estonie comme prof de foot de tous petits (4-7 ans) et qui pendant ses vacances scolaires, fait taxi et au retour, Viktoria, un petit bout de femme avec du caractère et de la diplomatie quand il le faut. Leurs clientes sont majoritairement des femmes. L’Ukraine revient au matriarcat (pas forcément oublié partout) ou la femme reprend en mains tous les aspects de la vie quotidienne avec une sorte de légèreté, de tranquillité et d’assurance que j’envie personnellement. On voit des femmes sur le front, sur les routes, sur les tracteurs, c’est elles qui adossent tous les rôles : mère, sœur, professeure, banquière, elles tiennent les rennes de leurs familles et font tout pour que le foyer reste chaud et accueillant.
Toutes les femmes ukrainiennes sont inspirantes, fortes, indépendantes, belles et sûres d’elles, avec des blessures et des cicatrices qu’elles ont soignées, transformées en bijoux de corps, telles des tatouages. Femmes jeunes ou mûres, seules ou entourées, chacune avec son bagage incroyable qu’elle livre et retrace en toute humilité, sans aucune prétention ni fioriture.
Il y a quelques mois, lors d’un séjour en Vienne en quête de retrouver une paix avec moi-même en pleine nature, avec des soins pour le corps et l’esprit, une belle rencontre imprévue a donné tout un autre aspect à cette retraite. Une rencontre avec une femme forte, courageuse, attentionnée, belle et touchante. Cette rencontre transforme le voyage en retrouvailles presque : l’impression de connaître quelqu’un et de ne pas vouloir le lâcher…
A chaque rencontre avec des Ukrainiennes, on découvre leurs histoires, chacune plus impressionnante que l’autre. Et rien ne semble les perturber, tout malheur les rend deux fois plus fortes. De vraies super-héroïnes malgré elles…
Cette guerre a relevé quelque chose de tellement puissant chez tous les Ukrainiens et les Ukrainiennes: on se réunit tous, peu importe la situation et le lieu, on s’attire tels des aimants en créant cet amalgame ukrainien capable de combattre tout le mal du monde. La force se répand autour de nous, d’abord peu visible, mais en créant ensuite un bouclier vu du ciel.
Alors que la voie de notre Ukraine soit si inspirante et paisible que ses femmes, qu’elle soit libre et semée de millions de choix et de possibilités, qu’elle soit si inspiranteque ma route vers la Transcarpatie!
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Inspirations: Khoust, Transcarpatie, Carpates ukrainiennes, Ukrainiens, livres, Okean Elzy / OE « Я їду додому », Kalush/Калуш « Додому »