Andreï Kourkov, Journal de Maïdan

Un journal sur les événements de Maïdan de A à Z.

Andreï Kourkov n’a plus besoin d’être présenté au public français. Ses livres sont traduits en 36 langues et beaucoup aimés par les lecteurs français grâce à sa parole nette, précise, toujours avec de l’humour, sa mémorable capacité de trouver des parallèles et des métaphores pour rendre la lecture facile et fascinante. Et un de ses mérites importants est qu’il a réussi à attirer l’intérêt des européens envers l’Ukraine, son pays d’adoption.

Andreï Kourkov est né en Russie, mais vit en Ukraine depuis son enfance. Il écrit en russe et reste très populaire en Russie. Il est membre du PEN club à Londres où il a vécu un certain temps. Ces quelques faits sont rappelés ici pour donner l’image d’une personne neutre, citoyen du monde (entre autres, Kourkov parle 7 langues), sans aucun engagement politique. Il reste évident que l’opinion de Kourkov sur tous les événements de Maïdan, ce sont des conclusions naturelles qui auraient pu être tirées par toute personne, après les avoir vécues de près.

Journal de Maïdan, est un livre pour ceux qui pensent que tous les Ukrainiens sont patriotes qui ne jurent que par leurs sentiments, refusent d’admettre la réalité, exagèrent les conséquences du pouvoir et de l’influence dévastatrice russe en Ukraine.

« L’homme qui vit en un « point chaud » du monde, ou simplement au voisinage d’un volcan en activité, juge différemment sont temps. […] Quand on vit à côté d’un volcan, réel ou métaphorique, la journée s’emplit d’elle-même d’une telle quantité d’événements que les retenir tous se révèle une tâche physiquement impossible ». Andreï Kourkov qui habite à deux pas de Maïdan, nous raconte cette « vie en temps de révolution, une vie en attente d’une guerre ». Une vie qui paraît des fois tellement lointaine à ceux qui arrivent à se détacher des conséquences qu’elle entraîne. Une vie qui a bouleversé des milliers et des millions de personnes, des vies qui se sont arrêtées à jamais, des vies qui seront plus jamais les mêmes, des vies qui se sont transformées en cauchemar et ont laissé des séquelles inguérissables. C’est une histoire de cinq mois de vie d’un écrivain et de sa famille, ou plutôt une histoire de vie de la population d’un pays qui s’est révolté une nuit de novembre pour mener sa lutte contre le pouvoir malgré tout.

Le journal est bien documenté, bref et détaché, car Kourkov donne des faits sans vraiment les commenter. Il n’hésite pas à apporter son grain d’humour fin comme il sait le faire, car les vrais Ukrainiens ne perdent jamais le sourire 🙂 Il n’approuve pas tous ceux qui descendent dans les rues pour se battre, mais confirme que le pays avait besoin de crier son désaccord avec le pouvoir en place. Pour ceux qui se perdent un peu dans l’histoire et dans le présent, l’écrivain a pensé juste en ajoutant des repères à la fin de l’ouvrage. Ainsi, les lecteurs s’orientent mieux sur les rôles des hommes et des femmes politiques, mais apprennent aussi les notions de la question des langues, du Holodomor, du rôle de l’église, de l’Ukraine occidentale, des leaders culturels et politiques du mouvement. Kourkov a ajouté une carte et quelques photos qu’il a prises lors de ses venues quaisement quotidiennes à Maïdan.

Kourkov nous parle des actes signés par le Parlement, des « lois débiles » du 17 janvier contre le droit de manifester, des premiers morts rue Hrouchevsky et notamment Sergueï Nigoïan, de ses passages au sein des manifestants, des pressions de la part des services de sécurité subites par ses amis, de la fuite du président Ianoukovitch, du « référendum » en Crimée et du sort des Tatars, du Salon du livre à Paris où il a rencontré les activistes parisiens (et oui, on était là), mais aussi de façon de continuer la vie personnelle et de vivre dans un état de soulèvement du pays entier, de fêter le Nouvel An sur Maïdan en chantant sur -20°C ou prendre des bains glaciales pendant Vodokhrechtcha, d’aider les manifestants avec de la chaleur des plats faits maison ou juste du soutien moral. Il se questionne sur la « normalité »: président comme ancien détenu, police qui tue son peuple aidé par titouchky, protestations, enlèvements, tortures des activistes, des journalistes, vivre et travailler avec le bruit de tirs, de cocktails Molotov au quotidien… Et la peur qui donne lieu à l’indifférence. « … je n’ai plus peur. […] L’unique valeur essentielle est la vie humaine. »

Et bien évidemment, au 24 avril, le Journal ne fait que clore le premier chapitre, en tout cas, le premier chapitre de Maïdan, cette page de l’histoire ukrainienne qui nous a influencés, inspirés, changés, cette histoire qui a laissé ses empreintes dans nos coeurs pour toujours.

Si vous voulez lire un extrait avant d’acheter le livre de Kourkov, voici le lien des éditions Liana Levi où il est publié: http://www.lianalevi.fr/images/30/extrait.

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Photos: Erika Dan pour J’aime l’Ukraine

 

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