Magie de Noël, l’URSS et l’interdiction des traditions ukrainiennes, la koutia, sa recette, ses symboles et ses rituels.
Chacun a ses meilleurs souvenirs d’enfance liés à Noël: la neige légère et enveloppante, les koliadka traditionnelles, le vertep mystérieux, la balade en luge, le sapin parfumé, les cadeaux, la messe divine… Ces moments réconfortants nous plongent dans la période insouciante où tout paraissait possible, même la baguette magique!
Depuis, je sais que la baguette magique n’existe pas, mais j’ai toujours envie de croire à la puissance de cette période de l’année mystique et spirituelle, païenne et chrétienne, qui rend possibles et réalisables nos rêves, réunit les gens et combat le mal.
Chacun combat le mal comme il peut. Je propose aujourd’hui la méthode culinaire, testée et approuvée. Cette année, j’ai essayé de préparer la koutia afin d’éloigner encore plus les plats soviétiques qui accompagnent encore souvent des tablées ukrainiennes. Noël, comme toutes les fêtes religieuses, était interdit en URSS: interdiction d’aller à la messe, interdiction de chanter les koliadka, de faire les verteps, d’être croyants tout simplement. De nombreuses sanctions accompagnaient le culte de Lénine (réécrivant les koliadka, remplaçant l’étoile de Bethléem par l’étoile d’octobre communiste) et de « did Moroz » (inventé par la partie pour le substituer à Saint Nicolas) : commençant par des blâmes au travail, suppressions des primes et allant jusqu’aux arrestations de 19 jeunes intellectuels et artistes ukrainiens en 1972 par KGB à Lviv et Kyiv, dont le poète Vassyl Stouss, envoyés tous en exil…
Revenons à la koutia, un des 12 plats traditionnels de Noël (symbolisant les 12 apôtres) par lequel commence le repas de réveillon, plat sacré pour les Ukrainiens, plat qui symbolise la résistance. Je l’ai légèrement adapté aux palais modernes mais en me basant à la recette festive de Yevhen Klopotenko, chef ukrainien moderne, un de ceux qui font renaître les plats traditionnels ukrainiens en les revisitant un peu:
- 300 grammes de blé précuit (ou d’orge)
- 50 grammes de beurre ou 2 c à s d’huile de tournesol (il est possible de faire sans matières grasses)
- 2-3 c à s de miel
- 2 c à s de pavot
- 50 grammes de noix concassées
- 100 grammes d’abricots séchés
- 30 grammes de raisins secs
- jus et zeste d’un citron jaune (bio de préférence pour le zeste)
- 1 cm de gingembre râpé
Les ingrédients essentiels de la koutia sont des céréales, du miel ou son substitut, des noix et des graines de pavot. De mon côté, j’ai mélangé des abricots, des raisins et des cranberries secs, des noix et des noisettes que j’ai torréfiées au préalable et j’ai ajouté plus de gingembre et moins de miel. Vous pouvez faire votre mélange au fur et à mesure si vous aimez plus ou moins le sucré. Dans la koutia traditionnelle, on ajoute beaucoup plus de pavot, en le broyant à l’aide du pilon et du mortier pour récupérer le lait de pavot.
Une fois le blé est cuit et égoutté, ajoutez directement le beurre ou l’huile et le miel, ensuite les fruits secs coupés, les noix, le pavot, le gingembre, le jus et le zeste de citron et mélangez. Il est conseillé de laisser la koutia reposer au frigo pendant au moins 2 heures. On peut la manger froide ou chaude.
La koutia est un plat slave, elle est préparée trois fois: pour le Réveillon de Noël, la Malanka du 31 décembre et l’Epiphanie, il arrive aussi d’en manger lors des veillées pendant les enterrements. Selon la version la plus répandue, le mot « koutia » vient du grec koukia ou kukkia et se traduit par « céréales bouillies».
L’ensemble des rituels associés à la koutia démontre le lien avec la famille et les ancêtres qui s’occupent de la récolte. Les céréales symbolisent la renaissance et la vie éternelle, les noix et le pavot, la fertilité et la prospérité, le miel, le plaisir et la vie douce sur terre ou après la mort. D’après l’ethnographe ukrainien Fedir Vovk, le coutume de la koutia date de l’ère néolithique. Le pot de koutia était censée rester dans le pokouttia à côté des icônes de Noël jusqu’au Nouvel An accompagné de didoukh. A la première étoile au ciel lors du réveillon de Noël, le chef de la famille proposait de la koutia à Moroz (personnage folklorique d’hiver et du gel), ensuite en nourrissait les animaux de la ferme et en ramenait vers ses ruches. On croyait aussi que la nuit, les ancêtres viennent en goûter.
Il est encore temps de créer votre recette qui deviendra sûrement incontournable lors des fêtes d’hiver et emmènera une partie de l’Ukraine dans votre maison, ainsi que de l’espoir et de la force aux Ukrainiens!
Soyeux riches dans vos âmes et la lumière de la magie de Noël frappera certainement à vos portes!