Cri d’âme d’Erika
Fin février 2022, 5h du matin, quelque part en Europe. Angoisse. Peur. Pleurs. Panique. Tirs. Bombardements. Colère. Rage. Incompréhension. Exaspération. Haine. Injustice. Rage encore. Beaucoup de colère. On connaît maintenant tous quelqu’un qui a rencontré une balle mortelle. Comment ils osent ruiner nos vies, nos villes, notre culture? C’est mon peuple, mes amis, mes proches qu’ils tuent à jamais, c’est comme s’ils empiétaient sur ma famille, m’arrachaient mon enfant! !
Je ne peux pas me taire. J’aime l’Ukraine ne peut pas se taire. Le tyran fou nous a réunies, nous fait crier et chanter ! Et comme dit Vlad Troitskyi, directeur du Théâtre Dakh à Kyïv, aujourd’hui, « l’art est éminemment politique », la culture devient notre porte-parole afin de continuer à alimenter nos vies. Il est impossible de garder le silence et d’espérer que les autres combattront le mal et que tout se finira bien. Non, tout ne se finira pas bien, ce conte a une autre fin, ensanglantée, certes, mais chaque Ukrainien est fier de mourir en défendant sa liberté et la liberté du monde entier. Car c’est bien nos libertés, nos démocraties, notre avenir qui sont en jeu, peu importe si les bombardements ne sont pas dans notre pays ni au-dessus de nos têtes, la civilisation contemporaine occidentale est dans la ligne de mire d’un dictateur. Réveillons-nous, sortons de nos bulles de confort, regardons la vérité en face et agissons! Réveillons-nous, car si on se tait, on cautionne la guerre. Un petit geste de chacun écrira notre histoire de paix et de liberté et on sera fier de raconter ce conte avec la fin dont on est tous acteurs!
Depuis plusieurs nuits, courtes, certes, je me couche en remerciant les Ukrainiens de s’être battus pour que j’aie un lit et pas une place dans une cave froide ou au parking sous-terrain. Depuis plusieurs jours, je remercie les Ukrainiens de s’être battus pour que mon fils puisse continuer à vivre ici, en France. Depuis plusieurs jours, je remercie les Ukrainiens de ne pas laisser l’ennemi avancer plus à l’ouest pour que ma mère, restée en Ukraine, puisse se rétablir après son séjour à l’hôpital et sans s’équiper des armes!
Je suis fière d’être Ukrainienne, plus que jamais. Je suis fière de ces cosaques qui ne se posent pas la question de s’inscrire ou non en armée et donner sa vie pour en sauver des millions d’autres, je suis fière de ceux qui se battent en première ligne, ceux qui protègent leurs villes et villages avec ou sans armes, ceux qui fabriquent des cocktails pour les faire goûter à l’ennemi si besoin, celles qui donnent la vie dans les métros, celles qui aident à nourrir, protéger et soigner nos héros, ceux qui chantent en face des blindés, des chars, des lance-roquettes, je suis fière de nos sportifs, nos chanteurs, nos acteurs, nos femmes et hommes politiques. Je suis fière de ceux qui se battent à tous les fronts: militaire, médiatique, humanitaire, ceux qui ouvrent les yeux aux zombies silencieux sur les crimes que leur dictateur de président est en train de commettre, ceux qui mènent la guerre d’information et ceux qui font parler et manifester le peuple amorphe! Je suis fière de chanter l’hymne national ukrainien, le seul chant que j’ose entamer sans me soucier de la justesse de ma voix !
Mais je suis aussi fière d’être Française et Européenne, car le soutien qu’apporte le monde entier à mon peuple est la chose la plus émouvante que j’ai connue, comment rester insensible à cette solidarité que l’on reçoit à des moments les plus difficiles ? Alors, continuons tous et sans exceptions dans cette belle direction! Sans pleurer, sans paniquer et en déployant l’offensive à la cosaque, avec de la dureté et de l’humour!
Aujourd’hui, le quinzième jour de la guerre russo-ukrainienne, quelques rides supplémentaires, je suis retournée au travail après 4 semaines de l’épuisement moral dont je suis complètement guérie (merci, P….), prête plus que jamais à retrouver mon Ukraine libérée, me noyer dans la nature majestueuse de ma chère Transcarpatie, me perdre dans les ruelles de Lviv, ma ville de coeur, redécouvrir Kyïv, la capitale à mille facettes, la Crimée et l’est ukrainien où je suis jamais allée. J’irai voir tous les concerts que j’ai ratés, toutes les pièces de théâtre, lire tous les livres, rire et pleurer de tous les films, prendre dans mes bras tous les Ukrainiens, me remémorer toutes les histoires racontées par ma grand-mère, ravivées plus que jamais et que personne ne pourra détruire.